L’Afrique du Nord entend jouer un rôle important dans l’aérospatiale. Dans la lignée de la Tunisie qui avait su développer ce secteur avant d’être rattrapée par une agitation sociale post-printemps arabe, le Maroc a su profiter de cet appel d’air et valoriser sa stabilité politique et sa proximité géographique avec l’Europe pour répondre à une demande croissante de la part d’équipementiers.
Quand le privé marocain s’organise
Face à des commandes records et des chaines d’approvisionnement tendues, Boeing et d’Airbus ont dû développer leurs capacités de production au Maroc. Pourquoi ce pays? Car dès 2006, les acteurs du secteur aérospatial se sont mobilisés pour offrir un terrain de jeu aux grands de ce monde. Le Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (Gimas) est né, avec l’objectif de défendre les intérêts de l’aéronautique marocaine auprès du royaume et d’organisations nationales et internationales; de renforcer sa compétitivité et de former des ingénieurs aéronautiques. C’est ainsi qu’a été ouvert, en 2001, l’Institut des métiers de l’aéronautique dont le programme s’articule autour de quatre écosystèmes : systèmes électriques, pièces d’aérostructure, ingénierie et MRO (entretien, réparation et révision). Enfin, le Gimas, qui compte 90 membres dont de nombreuses entreprises françaises (Safran, Altran…), organise deux rendez-vous internationaux afin que l’aérospatiale marocaine puisse rayonner à travers le monde : International Marrakech Air Show et B to B Aerospace Meetings.
Quand le royaume soutient le secteur
Le Maroc s’est donné les moyens de ses ambitions. Pour preuve, 2009 : signature du Pacte national pour l’émergence industrielle qui a pour objectif de développer les « métiers mondiaux du Maroc », avec la création de 22 plateformes industrielles intégrées. 2013 : inauguration du Midpac, une zone franche de 126 hectares située au sein du pôle Nouaceur, consacrée à l’aéronautique et aux entreprises de haute technologie dont l’investissement ne représente pas moins de 90 M$. 2015 : lancement du Plan d’accélération industriel qui vise le développement d’une chaîne d’approvisionnement aéronautique performante et compétitive et ambitionne, d’ici 2020, le doublement des exportations (2 milliards de dollars), la création de 33 000 emplois, l’accompagnement d’une vingtaine de porteurs de projets, le doublement du taux d’intégration locale (18 % à 35 %) ou encore l’accueil de 100 nouveaux opérateurs.
Les implantations d’équipementiers se comptent par centaines
Fort de sa motivation et de son implication, le Maroc a su accueillir, majoritairement à Nouaceur, plus de 120 acteurs aéronautiques tels que Bombardier, Daher, Airbus, Eaton, Aerolia, Alcoa. Concrètement, 25 millions d’euros investis sur cinq ans – avec 500 emplois prévus – pour Figeac Aero; un nouveau site d’impression en 3D de pièces métalliques pour avions ou satellites; une usine de 20 millions de dollars pour la fabrication de composite en nid d’abeilles pour l’américain Hexcel; une deuxième usine pour Stelia (investissement de 40 millions d’euros, 400 à 500 salariés) afin de produire des composants et des sous-ensembles pour Airbus, sa maison mère; l’installation de Matis Aerospace (coentreprise entre Boeing et Safran Electrical & Power) pour la production de moteurs nouvelle génération. Et la dernière de la liste, et non des moindres, est la signature en septembre 2016 d’un protocole d’accord entre Boeing et le roi Maohammed VI pour créer un « écosystème industriel », soit un réseau de 120 sous-traitants et fournisseurs avec 8 700 nouveaux emplois spécialisés.
Face à de tels investissements et engagements, le Maroc ne cache pas son ambition de garder la tête dans la course à l’aérospatiale au sein du Maghreb. Reste à savoir si ses succès ne vont pas réveiller la concurrence avec la Tunisie, qui dispose malgré tout d’avantages concurrentiels (coûts salariaux et prix des terrains) que son voisin ne devrait pas négliger.