Le projet de panneaux publicitaires dans l’espace visibles par sept milliards d’hommes est tout aussi surprenant que la genèse de cette histoire. En revanche, les scientifiques apprécient bien moins cette aventure, d’autant plus que le droit spatial ne joue pas forcément en leur faveur.
La genèse d’un projet insolite
Admiratif de la boule à facette mise en orbite par Rocket Lab en janvier 2018, un jeune russe – qui n’est ni scientifique ni ingénieur spatial – lance sur son compte Facebook un concours d’idées pour faire de la publicité dans l’espace visible depuis la Terre. Parmi les milliers de suiveurs, l’Institut des sciences et de la technologie de Skolkovo à Moscou – rien de moins – qui semble s’intéresser à Vlad Sitnikov et, plus précisément, à son ambition d’offrir aux « marques et aux évènements qui nous gouvernent » un nouveau média, pour satisfaire « le divertissement et la publicité qui sont au cœur de nos préoccupations ». C’est ainsi que des messages ou des images pourraient être observés dans l’espace à des fins 1) de divertissement lors d’évènements mondiaux tels que le Superbowl, les JO, les compétitions de la FIFA, 2) de publicité avec la représentation de logos d’entreprise ou l’annonce d’une offre spéciale d’une marque et 3) d’urgence par des gouvernements en cas de coupure de courant, de catastrophe naturelle par exemple.
La technologie au service de l’éphémère
En rejoignant l’équipe du projet Orbital Display, l’Institut des sciences et de la technologie de Skolkovo a soufflé l’idée d’utiliser des nanosatellites (cubesats) pour composer le panneau publicitaire de 50 km2. Installés entre 400 et 500 km d’altitude, ils utiliseront le soleil comme source de lumière pour réfléchir les messages, visibles trois à quatre fois par jour durant cinq à six minutes… voire une semaine en fonction de l’orbite choisie, comme le pense Patrick Seitzer, professeur d’astronomie à l’Université du Michigan. Initié en mai 2018, ce projet devrait proposer ses premiers affichages fin 2021, une fois choisi le site de production et conçu le centre de contrôle de lancement (octobre 2019), effectué le test de lancement (janvier 2021) et déployé un programme de formation (juillet 2021).
Difficultés des détracteurs à convaincre
Devant un tel engouement pour ce projet, les scientifiques n’ont pas hésité à montrer leurs réticences en évoquant l’aggravation de la pollution lumineuse qui perturberait leurs observations astronomiques, l’augmentation des risques de collision avec les 1400 satellites orbitant déjà autour de la Terre et l’accroissement des déchets spatiaux. Le jeune entrepreneur russe tente de rassurer en expliquant que les panneaux, dont l’obsolescence est programmée à un an, quitteraient leur orbite pour venir brûler dans l’atmosphère. Malheureusement, la communauté scientifique est d’autant moins apaisée que, sur le plan juridique, rien ne semble interdire à ce projet de voir le jour. Aucune loi internationale ne condamne la publicité dans l’espace, à moins qu’un pays spécifiquement l’interdise, à l’instar des États-Unis en 1993, comme le rappelle Joanne Gabrynowicz, experte américaine en droit de l’espace.
Cette tension entre la communauté scientifique et les entreprises commerciales ne pourrait-elle pas se transformer en partenariat? Une partie de l’argent perçu par les uns pourrait financer les travaux scientifiques des autres…