Une nouvelle étape se profile pour la route Kangourou qui a fait du chemin depuis 1947 – quatre jours et sept escales pour relier l’Australie au Royaume-Uni. Au printemps 2017, Alan Joyce, directeur général de la compagnie australienne Qantas, a lancé un défi de taille aux avionneurs : concevoir un avion capable de voler plus de 20 heures afin de rejoindre le Royaume-Uni, sans escale. Avant de se pencher sur les caractéristiques de ce projet ambitieux, dressons un portrait de la situation actuelle.
Des vols toujours plus longs
Aujourd’hui, parcourir les 16 700 kilomètres qui séparent Sydney de Londres nécessite une escale dans le Golfe persique ou en Asie du Sud-Est. Pour relever le défi lancé par Qantas, il faudrait un avion capable de voler 20 h 20 sans escale. On s’en approche tout doucement : depuis 2017, des vols de 16 h, offerts par Qantas, permettent de relier Dallas à Sydney et d’autres vols de 16 h 23, affrétés par Qatar Airways, assurent la liaison Doha-Aukland (14 535 km). En 2018, on gagnera encore quelques minutes de vol supplémentaires avec un Perth-Londres en 17 heures. Si le défi est relevé, alors d’autres vols directs pourraient voir le jour entre l’Australie et l’Amérique du Nord ou encore l’Amérique latine.
Des coûts toujours plus élevés
Avec de tels vols sans escale, le client devra s’attendre à une hausse du billet de 20 %, due principalement à une augmentation du coefficient de transport (plus de pétrole pour transporter le pétrole consommé sur les dernières heures) et la difficulté d’optimiser les programmes de l’avion (après un vol de 20 h, l’avion ne repartira pas de sitôt pour 20 h). De plus, les professionnels qui vont opter pour ce type de vol afin de gagner 3 à 4 h de vol sur un Sydney-Londres vont se désintéresser de la classe Affaires des vols classiques. Devant ce manque à gagner, certaines compagnies aériennes n’hésiteront pas à augmenter leurs tarifs pour le voyageur lambda. Ensuite, les coûts de maintenance risquent d’augmenter sur les avions ayant parcouru une longue distance, l’usure étant plus grande. Enfin, avec un coût de revente nettement inférieur aux avions classiques (en raison de la taille du marché), la compagnie devra supporter une augmentation de son coût annuel de coque.
Toujours plus de défis et de dilemmes
Devant des trajets plus longs, Airbus envisage d’offrir davantage de place aux voyageurs; ainsi en 2018, le vol Singapour-New York sur un A350 ULR (Ultra long range) comportera 158 places (68 en classe Affaires et 90 en Pemium), comparativement aux 253 places d’un A350 classique. Or, les avionneurs sont confrontés à un véritable dilemme : satisfaire le confort des passagers ou concevoir un avion de 300 places pour répondre à la demande explicite de Qantas. Au fond, la question au centre de ce défi est de savoir comment voler plus longtemps. En améliorant le design de la voilure? En accroissant la poussée des moteurs? En réduisant la masse de l’avion?… Airbus opte pour une augmentation du nombre de réservoirs : 17 % de kérosène de plus pour la version spéciale ULR d’Airbus, le A350-900ULR, qui sera ainsi capable de parcourir 17 960 km. Quant à Boeing, il travaille sur les réservoirs et la réduction du poids de l’avion, afin de sortir son B777 X pour 2022.
Pour relever le défi lancé par Alan Joyce pour franchir cette « dernière frontière de l’aviation mondiale », les avionneurs redoublent d’efforts et de créativité. Dans quatre petites années, l’Australie devrait être à la portée de nombreux pays en vol direct, mais il faudra attendre encore 10 à 15 ans pour qu’elle soit à la portée de toutes les bourses.